NYNEVE SEREÏA ET HAKKON LËFAŸ

Port Amora, seul port d'Avalon, haut lieu de commerce et donc un endroit incontournable. Nyneve n'aimait pas cet endroit, trop bruyant à son gout, il faut dire qu'elle trouvait les humains, disons, moins raffinés que son peuple. Elle n'aimait pas quitter sa contrée mais elle n'avait pas eu le choix, sa position de favorite l'avait amené à devenir l'intermédiaire entre son peuple et celui des Faës. Une rencontre primordiale pour la Dame du Lac, l'alliance était fragile mais elle devait tenir bon. Les deux dirigeantes avaient un intérêt commun, enfin, un ennemi commun : les humains. Un intérêt mutuel qui les forçait à coopérer et qui rend tout aussi improbable le scénario d’une rupture totale, du moins pour le moment. Cependant, la favorite n'était pas dupe, une fois leur adversaire vaincu, cette alliance serait sans doute de l'histoire ancienne.  

Enfin tout ceci rendrait cette rencontre spéciale, elle sait qu'elle sera marqué de fausse politesse et fausse courtoisie. Nyneve n'appréciait guère d'être considéré comme inférieur par ce peuple. Heureusement, elle savait cacher ce qu'elle ressentait, son côté austère donnant un côté froid mais impassible à son visage, et ce la plupart du temps.

Elle aurait devant elle l'héritier du trône dont la réputation avait largement traversé les frontières Faës. Morgane et Viviane, bien que leur race respective leur donnerait sans doute une longue vie, n'était pas éternelle. Ce qui donnait une autre dimension à cette entrevue, il se pourrait bien que ses deux personnes dirigent leur peuple, et donc le futur d'Avalon se tiendrait, en partie, entre leur main. De leur relation déboucherait, peut-être, le futur de leur race. Les alliances se font et se défont au gré des circonstances. En attendant, elle se devait de faire bonne figure, de ne rien dire de travers et surtout faire honneur à sa mère, la Dame du Lac. De plus, elle se disait qu'elle n'aurait pas fait le voyage pour rien, elle aura gouté à la fameuse sauce Amora, fameuse d’entre les fameuses.

Arrivée au point de rencontre, on l'escorta à l’arrière d'une auberge, dans une pièce éclairée et chauffée par un grand feu. Elle prit une grande inspiration avant de pénétrer dans cette pièce et saluer son interlocuteur. « Je suis ravie de voir revoir, Prince Hakkon.» lui répondu-t-elle tout en s'inclinant légèrement puis s'installa sur le siège opposé au Faë. Aussitôt installé, le repas fut servi, à l'initiative du Faë, par des humaines assez soignée. « Vous avez bien fait.» affirma-t-elle, tout en sobriété.

Hydromel servit, la favorite répondu à l'interrogation du prince, concernant sa contrée, avant de boire une gorgée du breuvage. « Eothulion se porte très bien, il n'y a rien à signaler. Il y a bien quelques humains qui s'aventurent au-delà de leur frontière mais notre avertissement leur donne matière à réfléchir. Cependant,...  » s'arrêta-t-elle un bref instant avant de reprendre. « Nous avons constaté une recrudescence d'arrivé d'humain, plus ou moins étrange. Je n'ai pas eu l'occasion d'en rencontrer mais il se dit que leur accoutrement, leur façon d'être soit très inhabituel. Avez-vous été confronté à ce genre de personnage en Aëdrundin  ? » Nyneve vivait sous le Lac, comme dans une bulle, elle avait écho de ce qu'il se passait sur la surface grâce à ses suivantes. Cependant, elle s'aventurait hors du lac, il était important pour elle de ne pas rester recluse loin de son peuple mais en tant que demoiselles de Qearis, sa place était au palais engloutit.

NYNEVE SEREÏA ET HAKKON LËFAŸ

Qu’en pensait-elle ? Que pensait sa mère sur la question ? Elle n’allait point révéler ce que pensait la Dame du Lac concernant  ces humains car pour dire la vérité, sa mère était particulièrement silencieuse à ce sujet, comme si elle attendait le bon moment pour en discuter avec sa fille. Elle savait qu’elle ne la mettait pas de côté, Viviane avait sans doute ses raisons, sa fille restait donc patience et attendait que sa mère vienne vers elle. De son côté, une curiosité insoupçonnée jusqu’à lors s’était immiscée dans son esprit. Ce qu’elle avait entendu dire à propos de ses humains l’intriguait, ce n’était pas la première fois qu’on avait le droit à des marginaux mais là, c’était différent. L’Eerie  prenait donc cette affaire très au sérieux, elle n’oserait jamais révélé que la curiosité était une des principales raisons. Cependant, le bien-être de son peuple était également en ligne de mire. «La Dame du Lac attend d’en savoir plus, il faut dire qu’aucun n’a fait son apparition parmi les demoiselles de Qaeris. De mon côté, ces humains m’intriguent et je l’avoue, me préoccupe grandement. Si ce n’était qu’un ou deux personne qui tenait ce genre de propos, on pourrait se dire qu’ils sont simplement dérangé mais ici, nous avons à faire à quelque chose de très différent.»   lui répond-elle avec toute honnêteté.

Les Faes et les Eeries avaient une vision différente concernant le sort des humains qui pénétraient leur frontière. Si les Eeries leur donnaient une chance de s'en sortir avant de devenir un domestique, chez leurs alliés, c'était assez différent. En effet, les humains étaient soit tué soit vendu en tant qu'esclave au célèbre marché d'Osaphia, un endroit qui ne devait pas être des plus agréables, surtout pour ses humains. De ce fait, ces nouveaux venus devaient être plus coriaces, cela, elle pouvait le croire sur parole. Soit, elle n’était pas là pour discuter du traitement de ses humains mais elle ne pouvait pas s’empêcher d’avoir un peu de peine pour ses personnes. Bien qu’elle ne ressentait aucune affection pour eux, elle ne les méprisait pas pour autant.   « Et avez-vous pu en voir un en chair et en os, voir discuter avec ? Est-ce que leur parole n’a réellement aucun sens ?»   lui demanda-t-elle ? Bien que sa curiosité la faisait parler, elle se demandait s’il y avait quelque chose qui se cache derrière ses arrivées ? Pourquoi faisait-il leur apparition et surtout comment ? Des témoignages parvenus jusqu’à elle, eux-mêmes ne savaient pas ce qu’ils faisaient là, et cela n’annonçait rien de bon.

En attendant sa réponse, elle se permit de gouter au fameux norsasea à la sauce Amora, au moins elle n’aurait pas fait le déplacement pour rien.
 

NYNEVE SEREÏA ET HAKKON LËFAŸ

Pour l’héritier des Faës, il semblerait que tout ne soit pas une coincidence, l’oeuvre de Merlin n’était pas une simple élucubration, c’était réel et il n’y avait aucun hasard sur l’arrivé de ces personnages étranges. Si cela était vrai, cela expliquerait le silence de sa mère, Viviane. Bien que mère-fille soit proche, elle savait que la dame du lac ne lui disait pas tout. Nyneve avait été une des premières à penser que son histoire avec Merlin était une erreur, cela s’était senti dans leur relation mais la trahison de l’enchanteur les avait rapproché. La favorite étant très présente pour celle qui avait été dévasté par celui qu’elle pensait aimer. À son retour, elle avait bien l’intention d’avoir une conversation avec sa souveraine. Leur alliance avec les Faës était fragile et Nyneve était de ceux qui refuserait de s'allier une fois de plus à Morgane. Pacifiste, sa préférence va dans le renforcement des frontières. Couper du monde extérieur, les Eëries pouvaient vivre reclus sans souci, ils avaient assez de ressource pour vivre. L'arrivée de ses humains accélèrerait peut-être le processus de renfermement de son peuple et mettre à mal l'alliance fragile entre les deux races. Quoi qu’il en soit, nous n’étions pas encore arrivés là mais les semaines à venir risquent d’être particulières. Enfin, pour le moment, ils étaient alliés et il n’était pas question de rediscuter des termes de cette alliance. Elle l’écouta attentivement et hocha la tête pour montrer son approbation. « Si vous avez raison, il faudra se montrer prudent. Qui sait ce que Merlin a prévu d’autre... Ce magicien cachait bien des choses et personne ne connaissait ses intentions réelles. »  lui répondu-t-elle. La magie de Merlin serait donc aussi puissante que sa réputation le disait, c’était fascinant mais également effrayant. Quels étaient réellement les dessins de ce magicien, celui qui avait osé trahir une Eerie, pire encore la dame du lac. Il était connu qu’elle ne portait pas le magicien dans son cœur.

Cela n’étonnait pas la favorite qu’Hakkon ne parle pas aux humains, c’était compréhensible et c’était la même chose pour la demoiselle, vivant sous le lac, il y avait peu d’humains, sauf peut-être quelques esclaves féminines. Cependant, il avait pu en approcher de près, la chasse était très récurrente en Aëdrundin, ce n’était donc pas étonnant qu’il soit tombé sur l’un d’eux. Apparemment, ces étrangers avaient la capacité d’assimilé l’Avalonien de façon rapide, encore une autre preuve de la magie de cet humain. D’ailleurs, le Faë partageait son appréhension sur la question, oui, Morgane et Viviane était deux êtres puissants mais aucune des deux femmes n’étaient capables d’un tel exploit. Merlin était mort mais cent deux ans plus tard, il avait prouvé que sa magie était capable de bien des choses. Pour Hakkon, la question était de savoir quelle était cette force qui pouvait réaspirer des individus en Avalon. Pour Nyneve, ce n’était que le début, la suite, c’était l’avènement du Pendragon. Il était évident que le plan de Merlin était plus vaste, plus dangereux que l’arrivée de ses personnes. C’était peut-être pour cette raison que l’apparition de ces énergumènes l’intriguaient fortement. « Vous n’avez pas tort, je pense qu’il faudrait vraiment creuser la question de cette force qui réussit à respirer ces gens ici.  Merlin était-il aussi puissant ? Il est vrai que c’était un être exceptionnel mais je m’interroge également. De plus, l’arrivée des personnes doit sans doute cacher autre chose, ne pensez-vous pas ? » Les alliés allaient sans doute avoir du pain sur la planche, et ce pour les semaines à venir. Cette fois-ci, ils avaient un but commun, à voir comment tout allait se dérouler.